J'ai des yeux qui m'observent par centaines chaque minute. Chez soi ou à l'inconnu, nul ne fait la différence.
Quiconque d'éveillé saura reconnaître que ces yeux qui sont présents à chaque coin de mur, font toute la différence.
Un chat est différent du même chat il y a quelques jours encore. Voire quelques heures. Ce chat, sale, mouillé, miaulant,
stressé, ayant faim, est-il juste au courant ? Vient-il à cause du même interêt que ces messieurs qui viennent chaque
soir passer la journée entière à regarder ? Le monsieur vieux, il est posé, il regarde, il a disparu. Comment pouvoir
accepter de se laisser observer à longueur de journée par des étrangers sans aucun respect de la vie privée ? Ils viennent
s'installent derrière moi et me regardent, des fois ils passent devant pour me fixer avant de disparaître. Ils ont
sûrement fait en sorte que les murs bougent, que chaque petit détail décontenançant que je vis dans ma vie soit assez
dérangeant pour leur plaisir de spectateur. Des voyeurs, comme s'ils regardaient Rosemary. Des péripéties, fortement
banales.
Un ver s'immisce dans mes veines parfois mes vertèbres parfois mes vaisseaux parfois ma rétine parfois mon nez parfois le
reste. Il est là, à se balader de veine en veine, creuse son chemin jusqu'au prochain matin. Il rentre dans ton oreille,
gesticule fermente et articule une longue prose en latin, gratte ta rétine, gratte ton oesophage et tes entrailles pour mieux
s'immiscer à l'intérieur. Il est roi. Avec ses descendants, il me fait la peau. Dans ma narine il règne d'amas de poils
de poils visqueux trop appétissants pour lui. Il se délecte de glisser sur la paroi pour me déranger jusqu'au niveau le plus
extrême.
Les gens qui m'observent.
Ils m'envoient parfois des signaux, quand je dois arrêter de penser à quelque chose. Les coîncidences s'amassent et se
percutent. Ils m'envoient des mauvaises pensées, ils veulent me faire brûler. Ils veulent que je déborde et que je fasse
une bourde. Que je frappe quelqu'un, que je viole quelqu'un, que je me mette à parler quand je ne devrais pas. Rationaliser
ne sert à rien dans ces circonstances, quand on a affaire à une théorie qui met en cause quelqu'un qui serait capable de
manipuler en profondeur un être autre que lui-même ou qu'un animal stupide; toute rationalisation passe à la trappe, on a
affaire à quelque chose de trop irréel, et c'est là dedans que je traîne ces dernières années. Je ne peux pas me libérer, je
ne peux rien faire contre eux, je suis un larbin. Un simple pion, dans un échiquier grandeur nature, plus que nature, grandeur
terrestre. Un regard pesant, le long d'une rue, le long d'un chemin, le long d'une place, le regard omniprésent est là pour
te gêner, il est là pour te tester, pour voir si tu es capable de surmonter leur régime d'observation. Des maîtres policiers
venus me libérer de ma condition inférieure d'être inconscient en m'apportant une partie de ce qui fait partie de ma réalité.
Ils m'apportent bonheur et douleur tout en gardant leurs distances pour mieux se moquer quand j'échoue ou quand je suis face à
un dilemme encore plus absurde que le précédent.
Chat tape, gratte sur une porte, il a le museau différent de la dernière fois, plus blanc, il s'approche tout en gardant, son oreille baissée, percée, pleine de poux, de saleté, de microbes. Il parasite la maison avec ses pattes, il faudrait les laver. Il laisse des traces partout, il faudrait le laver. Il est mal élevé et étranger, il faudrait l'éduquer.
Parasites dans mon cou à cause de ce chat. Puces tiques vers, transmis vers, mon intérieur. Ce mou intérieur ressurgit à cause de
ça, intérieur exposé à l'extérieur vis-à-vis du contact avec les autres. Malaise dans ce cou recouvert de tissu, est-ce à cause
de quelque chose de concret, d'une maladie ou d'un problème plus ou moins fondamental qu'a mon être ? Probablement pas, juste un
passage de dix à trente ans qui passera par ce malaise corporel, cette sortie de soi, entourée de mouches bourdonnant des airs
tristes. Il y a trop de choses que j'aimerais accepter et ne pas pondérer (sur/dessus/entre autre), mais comment accepter quand on
vous cause un tort intentionellement ? Si je revois le petit enfant qui s'amusait à me pousser sur les toboggans rouillés brûlants
d'été alors que je n'avais que cinq ans, je lui cracherai bien à la tête. (Ce n'est pas le manque de morale ou le fait d'être dans
le ressentiment, c'est juste le fait de vouloir rendre un tort un tort)
Parasites moraux à cause de cette enfance, bourgeoise mais pas assez pour s'élever réellement, je fais partie d'une classe moyenne
sans problèmes réels, mais quand il s'agit d'accéder aux choses réellement pertinentes quand il faut s'émanciper, elle n'y arrive pas,
il m'a fallu un peu de temps pour trouver une partie de la solution (elle reste très pacifique et très subie). N'ayant pas eu accès
à une éducation plus édulcorée, je n'ai pas lu de grands livres philosophiques aussi tôt que je le voulais, pourtant ce n'était pas
les capacités qui manquaient. L'envie de découvrir de nouvelles choses est très restreinte, l'envie de persévérer l'est encore plus,
l'envie de finir le travail l'est de façon abondante.
Puces tiques pertubent la trique momentanée, perturbent le moment présent, on en arrive à devenir sensible au moindre changement de texture sur ses b- ras alors que l'on devrait s'en ficher, les moustiques sont présents toute l'année, partout, de tout temps. Réel ou irréel.
Parasites en forme de vers vers l'enceinte de mes oreilles, tripotent mes réglages, assourdissent le reste pour ne laisser que leur
présence. Obnubilé, je ne peux qu'imaginer ce qui se passe réellement dans ces tuyaux sombres. Cette obsession est enivrante, elle
m'attire vers elle, mon imagination s'active, s'activatte puis réagit à son activation.
Activée, elle agit et m'emporte dans un monde nouveau, un monde de slogans, de papillons géants, de plans en drone non-euclidiens,
spirales répétées m'épatent et m'attirent vers le sombre pour mieux déclencher une partie plus explosive et plus contemplative de
cet être à part. J'y pense et ça ne se voit pas, pourtant je vois les meilleures choses que l'humanité ne pourrait jamais produire,
de même que, certaines hallucinations que d'autres gens ont déjà citées ont une force visuelle tellement puissante qu'une simple
adaptation de ces créatures, de ces passages, de ces visions, serait d'une créativité immense (le hic, c'est qu'il n'y aurait pas de
créativité).
Absence de créativé à cause de ces magnifiques images, terribles images, polarisent mon attention, je ne peux me détourner, je ne peux
qu'admirer ce que le cerveau fait de mieux. La séquence d'introduction d'Enter the Void répétée cinq centaines de centaines fois en
boucle dans ma tête, c'est hypnotisant. Des cubes, des mouches à grandes ailes, des hommes de différentes tailles, tout et rien. Je suis
un spectateur qui subit le courroux d'un maître arbitraire.
J'embellis tout mais au quotidien c'est quand même bien embêtant de vivre le jeu d'un maître aux intentions inattendues, il me châtie puis
me récompense amèrement trois secondes plus tard. On passe de la torture visuelle à l'attirance sexuelle décomplexée suivie de complexes
quelques secondes plus tard. J'essaie de contrôler cette créature mais elle me rend mes ordres déformés et parfois, complètement changés,
je voudrais une ville à hauts immeubles et elle me donne quelqu'un qui se fait déchirer en deux, pas commode.
Pas commode surtout que souvent, (dans une moindre mesure comparé au fait de voir quelqu'un se faire déchirer vivant) j'essaie de mendier
le fait que quelque chose cesse (par exemple le fait de sentir des puces sur tout le corps), et cette imagination m'envoie non seulement
la même chose plus violemment, mais en plus elle rajoute d'autres choses plus dérangeantes (comme le sentiment que mon doigt va exploser,
que j'ai un insecte dans l'oeil, dans l'oreille, etc.) encore. L'imagination m'a posé problèmes depuis ma plus petite enfance, avec des
rêves de grenouilles qui avalaient les yeux des gens avant de les gober petit à petit tel un fanart. Des rêves qui m'accompagnent, qui
me font grandir de façon plus ou moins agréable; des rêves passionnants, allant du fantastique à la torture psychologique, qui me
réveillaient en sursaut à quatre heures du matin. Mais ça, c'était avant, maintenant, les seuls rêves dont je me rappelle au long terme
sont des rêves dérangeants, parsemés de panique, de viols subis, d'effraction dans son domicile, mes rêves sont devenus rébarbatifs, les
choses intéressantes se passent à présent éveillé et non endormi.