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(INTRODUCTION par Bertrand Russell) Il y a différents problèmes touchant le langage. Premièrement, le problème qui se présente effectivement à nos esprits lorsque nous usons du langagege dans l'intention de signifier quelque chose; ce problème appartient à la psychologie. Deuxièmement, il y a le problème concernant la relation qui existe entre les pensées, les mots ou les énoncés, et ce à quoi ils renvoient ou qu'ils signifient; ce problème appartient à l'épistémologie. Troisièmement, il y a le problème de l'usage des énoncés pour exprimer la vérité plutôt que la fausseté; ceci appartient aux sciences particulières traitant des sujets des énoncés en question. Quatrièmement, il y a la question de la relation que doit avoir un fait (tel qu'un énoncé) avec un autre pour être capable d'être son symbole. Cette dernière est une question logique, et c'est celle qui intéresse M. Wittgenstein. Il s'intéresse à la condition d'une symbolisation exacte, c'est-à-dire d'une symbolisation dans laquelle un énoncé <> quelque chose de tout à fait défini. (Page 13 - 14) Un nom est un symbole simple en ce sens qu'il n'a pas de parties qui sont elles-mêmes des symboles. Dans un langage logiquement parfait, rien de ce qui n'est pas simple n'aura un symbole simple. Le symbole d'un tout sera un < > nous péchons, comme il apparaîtra plus loin, contre les règles de la grammaire philosophique, mais c'est inévitable au départ. <<La plupart des propositions et des questions qui ont été écrites touchant les matières philosophiques ne sont pas fausses, mais dépourvues de sens. (Page 15) (FIN DE L'INTRODUCTION) 2.022 - Il est patent que, si différent du monde réel que soit conçu un monde, il faut qu'il ait quelque chose - une forme - en commun avec lui. 2.023 - Cette forme consiste justement dans les objets. 2.0231 - La substance du monde ne peut déterminer qu'une forme, et nullement des propriétés matérielles. Car celles-ci sont d'abord figurées par les propositions - d'abord formées par la configuration des objets 2.0232 - En termes sommaires : les objets sont sans couleurs. 2.0233 - Deux objets de même forme logique - leurs propriétés externes mises à part - ne se différencient l'un de l'autre que parce qu'ils sont distincts. 2.02331 - Ou bien une chose a des propriétés que ne possède aucune autre, et l'on peut alors sans plus la détacher des autres par une description, et la désigner; ou bien au contraire, et il est alors absolument impossible de montrer l'une d'elles parmi les autres. 2.024 - La substance est ce qui subsiste indépendamment de ce qui a lieu. 2.025 - Elle est forme et contenu. 2.0251 - L'espace, le temps et la couleur (la capacité d'être coloré) sont des formes des objets. (Page 36) 2.181 - Si la forme de présentation est la forme logique, l'image est appelée image logique. 2.182 - Toute image est en même temps image logique (Au contraire, toute image n'est pas spatiale) 2.19 - L'image logique peut représenter le monde. 2.2 - L'image a en commun avec le représenté la forme logique de représentation. 2.201 - L'image représente la réalité en figurant une possibilité de subsistance et de non-subsistance d'états de choses. 2.202 - L'image figure une situation possible dans l'espace logique. 2.203 - L'image contient la possibilité de la situation qu'elle figure. 2.21 - L'image s'accorde ou non avec la réalité; elle est correcte ou incorrecte, vraie ou fausse. 2.22 - L'image figure ce qu'elle figure, indépendamment de sa vérité ou de sa fausseté, par la forme de représentation. 2.221 - Ce que l'image figure est son sens. 2.222 - C'est dans l'accord ou le désaccord de sons sens avec la réalité que consiste sa vérité ou sa fausseté. 2.223 - Pour reconnaître si l'image est vraie ou fausse, nous devons la comparer avec la réalité. 2.224 - À partir de la seule image, on ne peut reconnaître sil elle est vraie ou fausse. 2.225 - Il n'y a pas d'image vraie a priori. (Page 40) 3.22 - Le nom est dans la proposition le représentant de l'objet. 3.221 - Je ne puis que nommer les objets. Des signes en sont les représentants. Je ne puis qu'en parler, non les énoncer. Une proposition peut seulement dire comment est une chose, non ce qu'elle est. (Page 43) 3.323 - Dans la langue usuelle il arrive fort souvent que le même mot dénote de plusieurs manières différentes - et appartienne donc à des symboles différents -, ou bien que deux mots qui dénotent de manières différentes, sont en apparence employés dans la proposition de la même manière. Ainsi le mot <<est>> apparaît comme copule, comme signe d'égalité et comme expression de l'existence; <<exister>> comme verbe intransitif, à la façon d'<< aller>>; <<identique>> comme adjectif qualificatif; nous parlons << de quelque chose >>, mais disons aussi que << quelque chose >> arrive. (Dans la proposition <<Brun est brun>> - où le premier mot est un nom de personne, le dernier un adjectif qualificatif -, ces deux mots n'ont pas simplement des significations différentes, ce sont des symboles différents.) 3.324 - Ainsi naissant facilement les confusions fondamentales (dont toute la philosophie est pleine) 3.325 - Pour éviter ces erreurs, il nous faut employer une langue symbolique qui les exclut, qui n'use pas du même signe pour des symboles différents, ni n'use, en apparence de la même manière, de signes qui dénotent de manières différentes. Une langue symbolique donc qui obéisse à la grammaire logique - à la syntaxe logique. (L'idéographie de Frege et de Russell constitue une telle langue, qui pourtant n'est pas encore exempte de toute erreur.) (Page 47) 4.002 - L'homme possède la capacité de construire des langues par le moyen desquelles tout sens peut être exprimé, sans qu'il ait une idée de ce que chaque mot signifie, ni comment il signifie. De même aussi l'on parle sans savoir comment sont produits les différents sons. La langue usuelle est une partie de l'organisme humain, et n'est pas moins compliquée que lui. Il est humainement impossible de se saisir immédiatement, à partir d'elle, de la logique de la langue. La langue déguise la pensée. Et de telle manière que l'on ne peut, d'après la forme extérieure du vêtement, découvrir la forme de la pensée qu'il habille; car la forme extérieure du vêtement est modelée à tout autres fins qu'à celle de faire connaître la forme du corps. Les conventions tacites nécessairese à la compréhension de la langue usuelle sont extraordinairement compliquées. 4.003 - La plupart des propositions et des questions qui ont été écrites toucnats les matières philosophiques ne sont pas fausses, mais sont dépourvues de sens. Nous ne pouvons donc en aucune façon répondre à de telles question, mais seulement établir leur non-sens. La plupart des propositions et questions des philosophes découlent de notre incompréhension de la logique de la langue. (Elles sont du même type que la question : le Bien est-il plus ou moins identique que le Beau ?) Et ce n'est pas merveille si les problèmes les plus profonds ne sont, à proprement parler, pas des problèmes. 4.0031 - Toute philosophie est <<critique du language>>. (Mais certainement pas au sens de Mauthner.) Le mérite de Russell est d'avor montré que la forme logique apparente de la proposition n'est pas nécessairement sa forme logique réelle. (Page 51) 4.113 - La philosophie délimite la territoire contesté de la science de la nature. 4.114 - Elle doit marquer les frontières du pensable, et partant de l'inpensable. Elle doit délimiter l'impensable de l'intérieur par le moyen du pensable. 4.115 - Elle signifiera l'indicible en figurant le dicible dans sa clarté. (Page 58) 4.116 - Tout ce qui peut proprement être pensé peut être exprimé. Tout ce qui se laisse exprimer se laisse exprimer clairement. 4.12 - La proposition peut figurer la totalité de la réalité, mais elle ne peut figurer ce qu'elle doit avoir de commun avec la réalité pour pouvoir figurer celle-ci : la forme logique. Pour pouvoir figurer la forme logique, il faudrait que nous puissions, avec la proposition, nous placer en dehors de la logique, c'est-à-dire en dehors du monde. 4.121 - La proposition ne peut figurer la forme logique, elle en est le miroir. Ce qui se reflète dans la langue, celle-ci ne peut le figurer. Ce qui s'exprime dans la langue, nous ne pouvons par elle l'exprimer. La proposition montre la forme logique de la réalité. Elle l'indique. (Page 58) 4.46 - Parmi les groupes possibles de conditions de vérité, il existe deux cas extrêmes. Dans l'un d'eux la proposition est vraie pour toutes les possibilités de vérité des propositions élémentaires. Nous disons que les conditions de vérité sont tautologiques. Dans le second cas, la proposition est fausse pour toutes les possibilités de vérité : les conditions de vérité sont contradictoires. Dans le premier cas, nous appelons la proposition tautologie, dans le second cas contradiction. 4.461 - La proposition montre ce qu'elle dit, la tautologie et la contradiction montrent qu'elles ne disent rien. La tautologie n'a pas de conditions de vérité, car elle est incoditionnellement vraie; et la contradiction n'est vraie sous aucune condition. La tautologie et la contradiction sont vides de sens (Comme le point, duquel partent deux flèches en directions opposées.) (Je ne sais rien du temps qu'il fait par exemple, lorsque je sais : ou il pleut ou il ne pleut pas.) 4.4611 - Mais la tautologie et la contradiction ne sont pas dépourvues de sens; elles appartiennent au symbolisme, tout à fait à la manière dont le <ɘ>> appartient au symbolisme de l'arithmétique. 4.462 - La tautologie et la contradiction ne sont pas des images de la réalité. Elles ne figurent aucune sitatuation possible. Car celle-là permet toute situation possible, celle-ci aucune. Dans la tautologie les conditions de l'accord avec le monde - les relations de figuration - s'annulent mutuellement, de sorte qu'elle n'entretient aucune relation de figuration avec la réalité. (Page 68) 5.155 - La proposition élémentaire de probabilité est : les circonstances - dont je n'ai pas par ailleurs une connaissance plus poussée - confèrent à la production d'un événement déterminé tel ou tel degré de probabilité. 5.156 - C'est ainsi que la probabilité est une généralisation. Elle enveloppe la description générale d'une forme propositionnelle. Ce n'est qu'à défaut de certitude que nous utilisons la probabilité. Quand nous ne connaissons pas un fait complètement, tout en sachant quelque chose au sujet de sa forme. (Une proposition peut certes n'être qu'incomplètement l'image d'une situation déterminée, mais elle est toujours une image complète.) La proposition de probabilité est comme un extrait d'autres propositions. (Page 75 - 76)